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Amérique latine - Caraïbes

Palingenesia – un passage à l’Alliance Française de Quito pour un retour aux sources du peintre Miguel Betancourt

Miguel Betancourt, maître de la peinture bien connu de l’Equateur nous a présenté à la rentrée une collection de travaux, sur toiles, bois, papier, faisant montre de toute sa palette de techniques et de leur évolution dans le temps. L’exposition a en effet retracé le parcourt de l’artiste, faisant appel à des peintures et dessins datés jusque des années 80, et les faisant cohabiter avec le plus récent de son travail. Les amateurs de son travail, venu en nombre le soir de l’inauguration, ont ainsi pu y retrouver ses grandes constantes : la couleur, vive, celle de la nature florissante de l’Équateur, de son drapeau, et la matière ; des textures rugueuses, grumeleuses ou brillantes, comme la terre de Cumbaya, village où a grandi l’artiste comme il aime à le rappeler – localité accolée à Quito et qui en est aujourd’hui plutôt le prolongement branché.

La nature, la terre, et la pluie ; ces éléments primitifs (et centraux de l’identité équatorienne) sont au centre du travail qu’a voulu présenter l’artiste, comme dans cette anecdote racontée le soir de son vernissage : celle de sa première « exposition », où l’enfant Bétancourt, seul chez lui, a préparé pour le retour de ses parents toute une œuvre sur le sol de terre battue de son patio ; avec du charbon et de la brique, éléments ici encore symboliques mais déjà fusain et sanguine du futur peintre reconnu – jusqu’à ce que la pluie, viennent tout effacer, avant le retour de ses spectateurs attendus.

Une anecdote traumatique pour le peintre, ou bien surtout fondatrice. Il est marquant de voir Miguel Bétancourt mettre ainsi en scène son retour aux sources, un véritable retour sur soi même. C’est aussi, on se doit de le souligner, un retour à l’Alliance : le maître et l’Alliance de Quito partagent une grande histoire, avec la cinquième exposition pour le peintre depuis 2007. Formé entre Quito, Milwaukee et Londres, le peintre a depuis le faîte de sa carrière fait des passages réguliers par notre galerie, qui jouit grâce à lui comme d’autres d’un historique riche. Un historique riche d’échanges et de réciprocité : le peintre fut régulièrement présent pour des visites, organisées par nos soins ou bien destinés à son auditoire, donnant vie à cette exposition et guidant les curieux parmi son œuvre luxuriante : les peintures couraient le long de la salle d’exposition Gangotena-Michaux de l’Alliance, à une même hauteur médiane – comme un fil, des débuts de la carrière de l’artiste au plus contemporain. Ce fil, c’est aussi la mémoire de l’artiste, qui a repris pour l’occasion un tableau non fini pour lui donner sa forme finale. Jusqu’à ce qu’il le retouche encore ?

Ce parcourt commence avec cette vieille œuvre, commencée dans les annés 90 et terminée en 2025, et se termine non loin, faisant tout le tour de la salle, sur un retable en bois qui s’ouvre sur un mot de l’artiste, PALIMPSESTE. Un concept déjà bien illustré par cette anecdote fondatrice, et au cœur de cette autre œuvre de l’exposition : un cadre, orné d’éléments et de reliefs topographiques, mais noir comme l’ardoise, et y ressemblant bien, avec sa rigole présentant des craies de toutes les couleurs. Oui, un tableau en fait, et une invitation aux spectateurs et aux spectatrices, celle de prendre les craies et de compléter cette œuvre. Chaque jour à l’Alliance, nous avons vu le tableau prendre des tons et des couleurs différentes, et au fur et à mesure de ses évolutions, laisser affleurer d’anciens motifs, recouverts mais toujours présents. Un palimpseste ouvert au monde, comme l’histoire toujours reprise de Miguel Betancourt et de l’Alliance française de Quito.

Benjamin Leclerc – directeur culturel de l’Alliance française de Quito