L’Alliance Française de Ploiesti ouvre sa palette d’activités vers le milieu académique maghrébin
Jeudi le 9 octobre 2025, l’Alliance Française de Ploiesti a eu l’honneur d’accueillir Mme Hédia Abdelkéfi, Professeure émérite à l’Université de Tunis El Manar, éminente spécialiste de la littérature française et francophone, qui a soutenu deux conférences : l’une sur l’esprit critique et la pédagogie à l’ère du numérique, l’autre centrée sur la littérature tunisienne d’expression française, cette dernière à l’occasion de l’inauguration de l’exposition Ecrire en français. A la croisée des deux problématiques, Mme Hédia Abdelkéfi a eu le plaisir de nous accorder une interview.
- Quel serait, selon vous, le philosophe qui s’est approprié le mieux le concept d’esprit critique?
Il s’agit de la capacité à analyser des faits avec discernement, questionner, formuler un jugement fondé, distinguer le vrai du faux. Dès l’Antiquité, de nombreux penseurs se sont intéressés à la question : Pyrron d’Elis, Al-Ghazali, les humanistes Michel de Montaigne et François Rabelais, René Descartes avec sa célèbre formule « Je pense, donc je suis ». Plus tard, des philosophes comme Emmanuel Kant (1724-1804) et John Dewey (1859-1952) et les théoriciens du développement cognitif (Jean Piaget et Lev Vygotsky) ont également nourri cette réflexion.
Quant à Edgar Morin, qui a introduit la notion de pensée complexe, il s’est également intéressé aux transformations de l’humain par les techniques.
- Comment l’esprit critique et la pédagogie s’articulent-ils dans l’enseignement supérieur tunisien ?
Nous avons la conviction qu’un environnement pédagogique sécurisant et stimulant, conscient des enjeux liés à la globalisation, est à même de former des citoyens responsables et attachés aux valeurs humaines. Mon enseignement privilégie des activités visant à développer chez les élèves les capacités de réflexion autonome. La démarche active consiste à savoir interroger les sources, vérifier la fiabilité des informations, détecter les biais cognitifs et distinguer les faits des opinions.
Plusieurs outils pédagogiques sont mobilisés à cette fin : les débats argumentés, les dilemmes moraux, les ateliers de lecture critique des médias, les cartes mentales pour structurer la pensée, ou encore des grilles d’analyse de discours.
- Quels auteurs aimeriez-vous faire découvrir à un public roumain ? Pourquoi ?
La littérature tunisienne d’expression française a connu un essor remarquable au cours des deux dernières décennies. De nombreux écrivains talentueux, notamment issus de la nouvelle génération, régénèrent cette littérature en abordant des thèmes liés à la réalité de la Tunisie postrévolutionnaire. Comme je m’intéresse de très près aux romans écrits par des femmes, je pense que les œuvres d’Azza Filali, Hélé Béji, Emna Belhadj Yahya, Wafa Ghorbel, Khaoula Hosni, Rabâa Abdelkéfi et Zoubeida Khiari sauront susciter l’intérêt des lecteurs roumains.
- Y a-t-il des ressemblances entre les jeunesses tunisienne et roumaine dans leur rapport à la culture, à la langue, à l’éducation ?
Les contextes différents peuvent influencer la manière dont les jeunes de nos deux pays se construisent. Je pense que la jeunesse roumaine partage certains points essentiels avec la jeunesse tunisienne : un espace francophone commun, des aspirations fondées sur des valeurs éducatives partagées, une curiosité culturelle vive, ainsi que la conviction que l’éducation est un outil de transformation et un levier d’émancipation.
Propos recueillis par Alexia Isvoranu, Université Pétrole-Gaz de Ploiesti, secrétaire générale, Alliance Française de Ploiesti

