Cinéma, musique, photographie et poésie : une année de dialogue culturel franco-indien

En 2025, l’Alliance Française du Bengale célèbre 85 ans d’histoire, de culture et de partage. Deuxième plus ancienne Alliance Française d’Inde, fondée en (avril) 1940, elle a su tisser au fil des décennies et des gouvernances engagées des liens forts avec les institutions locales, les artistes bengalis et le public de Calcutta. Pour marquer cet anniversaire, elle a conçu un programme riche, exigeant et inclusif, décliné en plusieurs volets : cinéma, musique, photographie, conférences, expositions, ateliers et soirées poétiques. Trois grands événements ont marqué l’année culturelle depuis le mois de janvier : le Festival du Film Français de Calcutta (FFFK), l’exposition Marc Riboud et la troisième saison musicale du Victoria Memorial Hall.

Calcutta célèbre le cinéma français : un festival d’envergure

Ville de cinéphiles, berceau d’un cinéma d’auteur engagé avec Satyajit Ray, Mrinal Sen les pères de la Nouvelle vague indienne, Calcutta s’est imposée comme l’écrin idéal pour la seconde édition du Festival du Film Français de Calcutta, qui a ouvert les festivités des 85 ans de l’Alliance. Organisé avec le soutien du gouvernement du Bengale-Occidental, le 3FK a investi les trois salles du complexe Nandan pendant huit jours de projections, de débats et de rencontres en présence d’un parterre de stars bollywoodiennes.

L’édition 2025 a proposé 84 projections, dont une « Nuit du court-métrage » avec 36 films diffusés jusqu’à l’aube. La programmation s’est articulée autour de cinq sections :

• 15 films récents, parmi lesquels Délocalisés d’Ali et Redouane Bougheraba, tourné à Calcutta avec une équipe franco-indienne, Le Temps d’aimer de Katell Quillévéré, ou encore La Montagne de Thomas Salvador.
• 10 chefs-d’œuvre du patrimoine français signés Godard, Resnais, Duras, Costa-Gavras ou Claude Sautet.
• 7 films pour le jeune public, en partenariat avec huit écoles de la ville.
• Un hommage au cinéma indien à Cannes, avec des films de Satyajit Ray (Ghare Baire), Shyam Benegal (Manthan), Goutam Ghose (Abar Aranye, Ragghir), Sudhir Mishra ou encore Alik Sukh de Nandita Roy, tous présentés ou projetés à Cannes au fil des années.
• Un focus sur le Bhoutan avec quatre films et une rétrospective de la cinéaste Dechen Roder comme invitée d’honneur dans le cadre d’un partenariat renforcé avec le festival Bhutan Echoes.

La présence d’invités de renom a contribué à asseoir le prestige de l’événement, à l’image de Naseeruddin Shah pour la soirée d’ouverture ou David Foenkinos en invité d’honneur pour la clôture. Une rétrospective lui a été consacrée, autour de ses trois longs-métrages co-réalisés avec son frère Stéphane : La Délicatesse, Jalouse et Les Fantasmes. Également romancier reconnu, David Foenkinos a partagé son expérience d’auteur et de réalisateur lors d’une rencontre très suivie par un public conquis.

Deux figures féminines du cinéma indien ont aussi été mises à l’honneur : Nandita Das, membre du jury du Festival de Cannes en 2005, et Anusya Sengupta, première lauréate indienne du prix d’interprétation dans la section « Un Certain regard » en 2024 pour son film « The Shameless ». Leur présence a nourri les discussions sur la parité et la circulations des talents à l’international.

Le FFFK 2025 a rassemblé plus de 11 000 spectateurs, mobilisant 20 bénévoles, salué par 130 articles de presse et soutenu par l’Institut français en Inde et le Consulat général de France à Calcutta. Il est devenu depuis un rendez-vous attendu dans le calendrier cinématographique régional.

De Kolkata à Dhaka : Marc Riboud un regard humaniste

La première exposition en Inde consacrée à Marc Riboud a été inaugurée en mars 2025 au Kolkata Centre for Creativity en présence du Conseiller culturel, Grégor Trumel, la coordinatrice des Afs en Inde, Émilie Jacament, la directrice des Amis de Marc Riboud, Lorène Durret et le directeur de l’Alliance Française du Bengale, Nicolas Facino. Présentée dans le cadre du 85e anniversaire de l’Alliance, cette rétrospective intitulée De Kolkata à Dhaka, 1971 est revenue sur le travail du photojournaliste français lors de la guerre de libération du Bangladesh.

Ami de Satyajit Ray, installé à Calcutta dès 1956, Riboud avait capté les visages de l’exil, les regards des combattants de la liberté, et la chute de Dhaka en décembre 1971. L’exposition, fruit d’une collaboration entre le Musée Guimet, le Liberation War Museum, les Amis de Marc Riboud, l’Institut Français en Inde, les Alliances de Dhaka et de Calcutta, a permis au public indien de découvrir une part essentielle de sa mémoire visuelle contemporaine.

Une saison musicale au Victoria Memorial Hall : éclats d’harmonie

De novembre à mars, l’Alliance a fait vibrer le Victoria Memorial Hall, monument emblématique de Calcutta avec cinq concerts de musique classique occidentale dans le cadre de sa troisième saison musicale. Ce cycle, organisé avec le Consulat de France et le Ministère de la culture indien, a rassemblé près de 2 500 spectateurs.

Les temps forts ont inclus :

• Le récital « Shadow & Light » de la pianiste Kim Barbier ;
• Un programme baroque dirigé par Didier Talpain avec le Kolkata Sinfonietta et les solistes Cheryl Bains (soprano) et Jean-Baptiste Arnold (trompette) ;
• Le pianiste italien Alessandro Commellato dans un hommage à Mozart et Beethoven ;
• Un concert des Violons Tziganes de Cannes avec près de 15 musiciens français venus pour l’occasion en partenariat avec l’ambassade de Roumanie en Inde;
• Un concert final pour la Journée internationale des droits des femmes, interprété par trois musiciennes Inés García-Casillas (clarinette), Jessica Rachel Bouaziz (alto) et Wen-Ying Lan (piano).

Cette saison s’inscrit dans une coopération culturelle durable et exemplaire. Depuis 2022, 15 concerts ont été donnés, réunissant plus de 7 500 auditeurs.

L’Alliance, un trait d’union vivant

Au-delà de ces grandes manifestations, ce sont aussi les nombreuses rencontres littéraires, les soirées « café poésie », les conférences, ateliers et spectacles de danse contemporaine qui ont ponctué les mois passés. L’Alliance Française du Bengale confirme ainsi sa double mission : enseigner la langue française à des générations d’étudiants et être un trait d’union vivant entre les cultures, un espace de création, de mémoire et d’émotions partagées.

Nicolas Facino, directeur, Alliance Française du Bengale