Et si une Alliance Fran9aise sortait – un peu plus – de ses murs pour aller à la rencontre de nouveaux territoires ? C’est le pari relevé par l’Alliance Française de Medellín avec La Esquina Francesa, “tiers-lieu” éphémère installé à El Retiro. Ce laboratoire a permis de tester de nouveaux formats, de toucher de nouveaux publics et de redéfinir notre ancrage territorial. Quelques retours, en forme de bilan à chaud.

Du 6 mai au 7 juin 2025, l’Alliance Française de Medellín a mené une expérimentation inédite dans la commune d’El Retiro, à 45 kilomètres de la capitale d’Antioquia. Pendant cinq semaines, La Esquina Francesa a proposé un programme intensif d’activités culturelles, linguistiques, ludiques et participatives. Cette initiative s’inscrit dans une volonté de renouvellement de l’image de l’Alliance, mais aussi dans une démarche stratégique de repositionnement. À El Retiro, petite ville réputée pour son patrimoine artisanal et son attractivité résidentielle, l’enjeu était double : aller vers des publics éloignés de Medellín tout en inventant une Alliance hors-les-murs, flexible, réactive, et collaborative (avec une programmation co-construite avec un acteur local).

Un mois d’expérimentations, cinq formats d’activités

La programmation, élaborée en lien avec des artistes, des intervenants locaux et l’équipe de l’Alliance, s’est articulée autour de cinq formats :

• Le club de l’Alliance (conversation, cinéma, musique, philosophie)
• La “classe inattendue”, cours de français sortant des sentiers battus
• Les “parches” – ateliers – créatifs ou gastronomiques
• Les rencontres francophones, avec des invités internationaux
• Les “fresques” de l’eau et de la biodiversité, ateliers de sensibilisation environnementale que nous comptons déjá depuis plusieurs mois dans notre portfolio

En tout, 39 activités ont été organisées, attirant plus de 550 participants, dont une majorité de femmes retraitées récemment installées à El Retiro. Ce public, peu ciblé jusqu’ici par l’Alliance, s’est révélé particulièrement réceptif à la combinaison de rencontres, de découvertes culturelles et de pratique du français. Certaines activités – comme les « classes inattendues » – ont connu un tel succès qu’un premier groupe de niveau A1.1 ouvrira dans les prochaines semaines.

Un projet fertile en apprentissages

Au-delà de la programmation, La Esquina Francesa a permis une série d’observations précieuses pour l’Alliance : la pertinence d’une approche nomade, pour explorer de nouveaux bassins de population ; la nécessité de de proposer des formats souples, expérientiels, à la croisée de la langue, de la culture et de la convivialité ; l’importance d’impliquer des partenaires locaux, comme ici Cubo Universo, dans la coproduction des contenus ; la difficulté persistante à mobiliser les publics jeunes ou actifs, ou à animer les fins de semaine et la richesse du travail en équipe pluridisciplinaire, entre médiateurs, enseignants, artistes, intervenants. L’enquête de satisfaction révèle une note moyenne de 9,5/10 pour les activités. Au-delà des chiffres, c’est la qualité des échanges, la diversité des propositions et l’ambiance chaleureuse qui ont marqué les participants.

La Esquina Francesa n’est pas une parenthèse, mais une étape. Elle montre ce que l’AF de Medellín peut devenir lorsqu’elle s’autorise à sortir de ses formats classiques pour écouter un territoire, s’y insérer avec humilité, et y activer des liens. En ce sens, cette expérimentation dessine les contours possibles d’une Alliance en transition : plus proche de ses publics, plus attentive aux usages sociaux de la culture, plus ouverte à l’interdisciplinarité et plus prête à collaborer que seule à rayonner.

À l’avenir, cette approche pourrait nourrir notre manière de concevoir des antennes mobiles et éphémères, des résidences décentralisées, ou même des formats plus hybrides. Elle invite à penser la francophonie comme l’endroit d’une relation possible. Et surtout elle confirme une intuition forte que nous avons : l’avenir des Alliances Françaises passera aussi par leur capacité à se réinventer comme espaces en mouvement, capables de s’immerger encore plus dans le tissu local pour y faire émerger du commun.

Yann Lapoire, directeur de l’Alliance Française de Medellín