Afrique et Océan Indien

RACONTER L’HISTOIRE SOCIALE DE PORT-SAÏD (EGYPTE)

RACONTER L’HISTOIRE SOCIALE DE PORT-SAÏD.

10 jours, 16 participants, 4 thématiques, 1 exposition, 1 projection de film, 1 événement de clôture avec les habitants.

En partenariat avec l’association port-saïdienne Ala Ademo et le Conseil arabe pour les sciences sociales, l’Alliance française de Port-Saïd a mis en place un atelier sur l’histoire sociale de Port-Saïd porté par la docteure Alia Mossalam. En complément de l’histoire véhiculée dans les manuels scolaires, la docteure Alia Mossalam a souhaité s’intéresser à l’expérience de vie des habitants sur la base d’histoires personnelles, de témoignages, de photographies ou encore d’articles de journaux. C’est tout le sens de cette manifestation.

Pendant 10 jours, 16 participants venant de Port-Saïd, d’Ismaïlia, de Damiette et du Caire, encadrés de différents intervenants (l’Alliance française de Port-Saïd, l’association Ala Ademo et des chercheurs de plusieurs nationalités) ont étudié quatre composantes historiques de Port-Saïd : le percement de l’isthme de Suez, la crise de Suez de 1956, le développement de la zone franche dans les années 1970 et le paysage architectural de la ville à travers le diptyque évolution/conservation.

En corrélation avec ces quatre thématiques, un important corpus documentaire a été décrypté 10 jours durant par les participants. Les séquences d’études furent entrecoupées de visites de terrain destinées à comprendre la morphologie urbaine tout en prêtant une attention particulière aux lieux inapparents de la “cité sortie des eaux”, comme le musée Semsemya (http://urlz.fr/3dB9) – musique traditionnelle importée de haute Egypte par les ouvriers affectés à la construction du canal de Suez – les bidonvilles et les cimetières, absents des présentations touristiques. Un public plus large a également pu se joindre à ces évènements, à l’occasion de l’exposition d’anciennes photographies de la ville et de la projection d’un film documentaire traitant de la création de la zone franche.

Pour clore l’atelier et matérialiser leurs recherches, les participants ont mené à bien leur propre projet :

Croisant l’espace et le temps, un premier groupe a élaboré une carte composée d’un ensemble de panneaux où, à travers un jeu de ficelles et de couleurs, évènement, lieu et date s’associent. A titre d’exemple, une des ficelles vertes des panneaux relie l’Autriche au canal de Suez, permettant par là même de rappeler qu’un ouvrier autrichien est venu œuvrer au percement du canal. Les éléments de la carte ont également été inventoriés au travers d’une carte interactive (http://urlz.fr/3868).

Le mur est divisé en 7 panneaux. Le premier est une carte du monde, le second une carte de Port-Saïd. Les cinq suivants sont divisés en « ères » temporelles (événements de 1859 à 1914, entre deux-guerres, 1956-1957, de 1957 à 1978, de 1978 à 2005). La couleur des ficelles représente un événement particulier : le bleu raconte les histoires personnelles, le blanc, l’histoire des bâtiments et de l’architecture, le vert, les histoires de migration et le rouge, les histoires culturelles.

Pour le second atelier, les participants ont romancé, sous forme de contes, des faits réels issus des documents et témoignages étudiés. Il est par exemple question d’un journaliste suédois s’infiltrant à Port-Saïd pour documenter les bombardements franco-britanniques lors de la crise de Suez. Voici le premier paragraphe de ce tableau :

“J’attends mon bateau qui va me transporter avec 6 Égyptiens : un homme, sa femme, leur bébé emmailloté par tous les vêtements possibles pour le protéger du froid de novembre, ainsi que 3 employés du Caire délégués pour une courte mission de travail à Port-Saïd ; mais l’enlisement du siège et des bombardements les oblige à prolonger leur mission.

Bien que la lune apparaisse sur le lac, elle est couverte par les nuages de la fumée noire causée par les incendies des maisons du quartier arabe. Un voile noir nous protège et dissimule notre fuite.

Un voile de silence tiré par 7 personnes qui attendent leur bateau pour les transporter vers la rive la plus lointaine. 50 kilomètres séparent Port-Saïd de Matareya. 50 kilomètres séparent Port-Saïd du monde.”

Texte traduit par Liliane NAKHLA. Source : https://historyworkshopsegypt.net/blog

Un autre récit est celui de Suq, qui, après une idylle passée à Port-Saïd, fut contraint à la fuite lors de la guerre des six jours (1967) :

“A notre arrivée, la guerre s’est déclenchée et c’était la défaite. Chaque jour est plus sombre que le précédent. Tout le monde est perplexe et personne ne sait encore qu’on est vaincu.

Nous ne savions pas encore que la défaite, c’était l’humiliation. La radio ne diffusait que des nouvelles confirmant que nous avions abattu 60 des avions ennemis… 70 des avions ennemis … à tel point qu’Ahmed a dit : « Même des oiseaux ne seraient pas tombés comme ça. »

Jusqu’au jour où on a vu les soldats entrer par la rue Mohamed Aly, têtes baissées, ne croisant pas le regard des autres ; je jure qu’ils suscitaient la pitié, même celle des juifs.”

Texte traduit par Liliane NAKHLA.

Source : https://historyworkshopsegypt.net/blog

Les travaux préparatoires de l’atelier narratif sont exposés sur les murs de la salle Toussaint Louverture de l’Alliance française. Ils concernent notamment la guerre de 1956 consécutive à la nationalisation du canal de Suez. Des sirènes des navires français et britanniques aux nombreuses victimes civiles, des descriptions nous font revivre, parfois au jour le jour, ce tragique évènement. L’exposition partage par exemple un échange, situé le 5 novembre 1956, entre un père et sa fille, les deux quittant la côte où, d’après la radio britannique, Voice of Britain, les armées étrangères vont débarquer. Dans cette même salle figurent également les affiches réalisées par l’équipe, pour une immersion aussi visuelle. Elles montrent la réalité de la guerre, celle des soldats britanniques et français engagés dans les combats, pour qui la situation est épuisante et surtout celle des habitants de la ville, condamnés à la souffrance.

Frédéric STRACK, chargé de mission culturelle, Alliance française de Port-Saïd

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Tout le travail des participants, les documents étudiés et des informations plus détaillées sont mis à disposition sur deux sites internet :

  • https://historyworkshopsegypt.net/wiki/ الصفحة_الرئيسي
  • https://historyworkshopsegypt.net/wiki/ خاص:تصنيفات.

Les contributions des participants peuvent être consultées ici :

  • https://historyworkshopsegypt.net/wiki/ خاص:ملفات_جديدة