Roseau, le 21 septembre 2015

Au matin du mercredi 26 août, la tempête Erika s’abattait sur la Dominique. L’île aux 365 rivières est devenue en peu de temps un enfer de boue et de flots ravageurs. Les pluies torrentielles ont provoqué la montée des eaux, des glissements de terrain ; des maisons furent emportées, des hôtels détruits, des routes défoncées, des ponts coupés ; des hommes, des femmes, des enfants sont morts.

Ce matin-là, dans le quartier de Citronnier où je réside, la pluie violente nous contraignit tous à quitter nos maisons bâties à flanc de colline. Nous sommes restés dehors, mes voisins et moi à regarder impuissants, le désastre se faire sous nos yeux, la maison de mon voisin balayée par un glissement de terrain, les arbres arrachés, les branches, les roches, la terre s’amoncelant dans la rue qui n’était plus qu’inondation.

Plus tard dans l’après midi, coupés de tous moyens de communication, ni téléphone, ni internet, nous ne pouvions que constater les dégâts sur la ville de Roseau qui présageaient le pire sur la situation du reste de l’île. Le lit de la rivière de Bath Estate (située derrière l’Alliance) avait triplé de volume causant la destruction de nombreuses habitations à proximité. Des nouvelles du reste de l’île furent propagées par les premières missions de reconnaissance terrestre et au même moment, le DRAGON972, l’hélicoptère de la protection civile de la Martinique effectuait sa première mission de secours en Dominique. Le temps s’était arrêté, le pays s’était immobilisé, la situation était grave.

Pendant 5 jours, en plus de l’accès limité à l’eau et à l’électricité, la majeure partie de l’île fut isolée  de la capitale rendant l’acheminent de produits de première nécessité extrêmement difficile et le déplacement des personnes impossible. Les villages côtiers de l’ouest, « Massacre », « Mahaut », « Coulibistrie » et « Colihaut » furent fortement impactés par les eaux torrentielles des rivières. Dans le quart sud-est de l’île, ce sont les glissements de terrains qui dévastèrent le village de Petite Savane caractérisé par ses espaces vallonnés et routes sinueuses. Avec sa trentaine de disparus et plus de 700 évacués, ce village figure désormais comme martyr de cette catastrophe. Parmi les survivants, 400 personnes furent placées dans des centres d’hébergement provisoires et devront probablement se résigner à abandonner cette zone, classée désormais sinistrée.

Face à ce malheur, nous ne pouvions qu’être solidaires et avons mis à la disposition de la population, toutes nos ressources possibles. L’Alliance française, épargnée des intempéries,  s’est ainsi transformée aussi bien en point de regroupement pour les ressortissants français évacués qu’en point de ravitaillement en eau pour les habitants de la région de Roseau où pas moins de 300 personnes par jour ont pu s’approvisionner. Nos professeurs, membres et employés étant sains et saufs, nous nous sommes également empressés d’affirmer notre soutien en contribuant à la réhabilitation des écoles, la mise en place d’activités ludiques pour les enfants de Petite Savane et l’hébergement de classes d’une école de Roseau ravagée.

Malgré cette situation effroyable, grâce à une efficacité hors du commun de la collectivité locale, en une poignée de jours, l’accès  à l’eau et l’électricité ainsi que les réseaux téléphoniques et routiers furent partiellement rétablis démontrant cette capacité à se relever face à l’adversité. Dans chaque bourg et village, les habitants se rassemblèrent pour déblayer les routes, nettoyer les maisons, apporter de l’eau depuis les sources et venir en aide aux populations les plus fragiles ; la notion de « community » prenait dès lors tout son sens et le fameux « Koudmen » tel qu’on le définit ici en créole fut  un exemple saisissant de solidarité.

De surcroît, l’aide internationale et notamment celle de la France et des collectivités de Guadeloupe et Martinique a contribué à la sortie de cette situation d’urgence humanitaire. En plus de l’aide des organismes internationaux, gouvernements, dons et collectes, ce sont aussi des centaines de personnes des îles avoisinantes qui se sont déplacées pour sortir le pays de la crise.

Presque un mois s’est écoulé depuis la catastrophe et l’heure est désormais à la reconstruction matérielle et bien sûr mentale après ce traumatisme national. L’économie est en berne pour le moment et cette morosité se reflète également au niveau des inscriptions à l’Alliance. Malgré tout, la situation se décante petit à petit et bien que d’importantes difficultés touchent les établissements scolaires (Une dizaine d’établissements sur un total de 75 ne sont toujours pas opérationnels à ce jour), la réouverture  des écoles est symboliquement un signe majeur d’amélioration. Portsmouth, intouché par la catastrophe demeure une sorte d’îlot de prospérité et la ville de Roseau, en dehors du lit de la rivière ne porte presque plus les séquelles physiques de la catastrophe.

En somme, les enjeux, et non des moindres, reposent désormais sur la réhabilitation et l’amélioration des infrastructures ( routes, ponts, barrages) sans compter l’hébergement des 371 foyers déracinés par la tempête et l’accompagnement de la population dans une optique de prévention des risques en cette période cyclonique.

Au nom du comité de l’Alliance française de la Dominique, mes pensées vont aux familles des disparus, à celles et ceux qui ont tout perdu. Un grand merci aux artistes, organismes, entreprises, partenaires et citoyens qui nous ont apporté leur soutien en cette période difficile.

Waitukubuli [*] se relève !

Stanislas Riener, directeur, AF de la Dominique

[*] Nom de l’île donné par les populations Kalinagos avant la découverte du nouveau monde par C.Colomb
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